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#9 : Le perfectionnisme

Le perfectionnisme

Stratégie d'auto-défaite

La perfection « n’est pas de ce monde » car « rien n’est parfait ». D’ailleurs « l’erreur est humaine » et « A l’impossible nul n’est tenu ». Ce ne sont pas les dictons qui manquent pour nous mettre en garde contre les dangers du perfectionnisme. Pourtant, dépassant la saine et plaisante recherche d’excellence, allant au delà de tout réalisme et de toute raison, certains d’entre nous s’enferment dans cette quête permanente, illusoire et somme toute, fort prétentieuse, d’une perfection absolue.

A fabriquer du vinaigre, on n’obtient que des cornichons

Exigeants et critiques, les perfectionnistes se demandent une maîtrise totale de tous les paramètres. Avides de précision et d’exactitude, ils ne veulent rien laisser au hasard, le plus petit détail pouvant, à leur avis, avoir une importance considérable. Incapables de percevoir le moment où le point de baisse de qualité ou de rentabilité est atteint, ils s’épuisent et perdent un temps considérable à « fignoler » inutilement. Egalement incapables de repérer le moment où une tâche doit être considérée comme terminée, ils ne peuvent valider aucune de leurs réussites et gardent au mieux un sentiment d’inachevé à chacune de leurs actions, mais le plus souvent le goût amer de l’échec à n’avoir pas atteint l’irréelle perfection qu’ils visaient. Le laisser-aller, la négligence ou le manque de conscience professionnelle les exaspèrent. Et bien qu’étant eux-mêmes maladivement sensibles aux critiques, ils ne ménagent guère leur entourage. Leurs discours sont moralisateur, leurs jugements de valeur tranchants et leur aptitude à repérer le moindre petit défaut infaillible. Bref ce sont des gens insupportables, redoutables et redoutés qui font peu à peu le vide autour d’eux, provoquant ainsi leur propre rejet. De plus en plus aigris et s’imaginant que c’est à cause de leur imperfection qu’ils ne sont pas aimés, ils repartent de plus belle dans leur quête d’absolu.

 

Les perfectionnistes sont de grands naïfs

Toute leur logique est fondée sur des illusions : outre qu’ils croient possible d’atteindre la perfection, ils s’imaginent qu’elle ne leur apportera que des récompenses. Pour eux, les gens qui réussissent ont une confiance en eux indéfectible, n’ont jamais d’émotion négative et ne font ni erreur ni effort. Leur logique est également très réductrice : tout ou rien, maintenant ou jamais, noir ou blanc, réussi ou raté. Et surtout, ils ont l’espoir d’être enfin acceptés et aimés le jour où ils seront parfaits. Et oui, les perfectionnistes sont en fait de grands enfants restés coincés dans une douloureuse quête d’amour et d’approbation. Ils se sont créés un tyran intérieur qui ne leur laisse aucun répit dans l’espoir de s’améliorer encore et toujours, mais leurs pensées autocritiques sont destructrices. Elles génèrent de la frustration et de la culpabilité, font de leur quotidien un véritable cauchemar et leur renvoyant d’eux-mêmes une image irréellement négative, les découragent encore plus d’être un jour accepté.

 

D'où leur vient ce besoin de perfection ?

  • C’est la faute des parents, toujours eux !

Les perfectionnistes ont souvent eu peu d’affection, des parents qui réagissaient à leurs échecs d’enfant par de l’anxiété et de la déception. Ils ont appris la honte de n’avoir pas su faire car, quand ils auraient eu besoin d’être rassurés, encouragés et guidés, ils n’ont reçu que de l’irritation et du rejet.

 

  • C’est aussi la faute de l’école, encore elle !

 Prenons l’exemple des contrôles ou des devoirs surveillés : tout écart avec une connaissance « parfaite » (aucune erreur) est lourdement sanctionné puisqu’au delà de quelques erreurs, le travail est considéré comme « nul » (zéro) en dépit des efforts fournis par l’élève. L’envie d’apprendre passe par le droit de se tromper, de tâtonner et l’apprentissage lui même se fait par cette dynamique d’essai-erreur. Si les choses ont heureusement bien changé dans les petites classes avec, par exemple, l’instauration des feux tricolores en remplacement des notes et classements pour valider le degré d’acquisition des différentes matières, notre système éducatif reste encore trop perfectionniste aujourd’hui dans les grandes classes et génère chez les étudiants beaucoup de stress inutile et pour certains de réelles dépressions.

 

  •  C’est enfin, bien évidement la faute de la société !

Pour nous faire consommer, tous les moyens sont bons, y compris entretenir et renforcer notre illusion que la perfection existe et que d’autres l’ont atteinte grâce à tel ou tel produit. Il est amusant de noter au passage que si « La perfection au masculin » reste assez accessible : il suffirait somme toute d’être bien rasé, la perfection au féminin telle que nous la proposent les médias est beaucoup plus compliquée à atteindre : zéro tâche, zéro microbe, zéro ride, zéro poil, zéro kilo de trop etc. Le programme est épuisant d’avance, mais quel chiffre d’affaire généré par notre crédulité !

 

Redécouvrir la confortable modestie d'être banal(e)

Le paradoxe du traitement du perfectionnisme est que moins on s’en demande, plus on progresse. La hauteur de la barre doit être revue à la baisse pour que les objectifs redeviennent atteignables. Plus on devient capable de se valider pour peu de chose (de l’avis d’un perfectionniste!), plus vite on va retrouver confiance en soi. Le plaisir d’apprendre et de progresser reviendra peu à peu quand l’auto récompense et l’auto encouragement auront remplacé les discours intérieurs d’auto dénigrement systématique. Bref, quand l’ancien adepte du perfectionnisme s’acceptera et s’aimera tel qu’il est : parfait dans son imperfection.

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Sandrine (mardi, 13 avril 2021 13:27)

    Satané perfectionnisme ou l'art infernal d'osciller en permanence entre le "trop" et le " pas assez ".La prise de conscience fut ma première pierre et la plus difficile à poser .Depuis j'avance un pas à la fois en apprenant à poser sur moi un nouveau regard oscillant entre bienveillance et auto dérision gentille .
    Vous lire m'a aidé pour cette prise de conscience .Merci à vous .

  • #2

    Alice (vendredi, 30 avril 2021 07:32)

    Bonjour,
    Je ne retrouve pas la bienveillance et la positivité que vous pronez dans ce post. Ni envers les perfectionnistes, ni envers l'école, les parents, la société. Je trouve cela dommage. Mais certains mots (maux) sont très juste à mon sens. Bien à vous. Alice Meunier

  • #3

    Mick (dimanche, 03 avril 2022 14:32)

    Jusqu'à il y a pas longtemps j'étais perfectionniste. Souvent le perfectionnisme m'a amené à endommager ou à détruire des objets soit en les réparant, soit lors de création, ce qui est assez frustrant.
    Désormais, à chaque serrage d'écrou, un petit signal retentit dans ma tête et me dit :" le mieux est l'ennemi du bien ".