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#24 - Deuil, atteindre le cinquième stade

Deuil

Atteindre le cinquième stade

Dans mon article du Grain à moudre de novembre 2020 intitulé « Apprivoiser la mort pour pouvoir vivre ! » je vous parlais déjà d'elle et de son formidable travail auprès des mourants. Le docteur Elisabeth Kübler-Ross était une exploratrice courageuse des zones proches de la mort, celles qui terrorisent tant de ses contemporains. Elle est ainsi devenue la pionnière de la thanatologie moderne, du mouvement des soins palliatifs et de l’accompagnement des personnes en deuil.

 

EKR est née en 1926 à Zurich et décédée le 24 août 2004, à soixante-dix-huit ans en Arizona.

A seize ans, elle débute sa vie professionnelle comme assistante d'un ophtalmologiste de Zurich. Il soigne essentiellement des enfants souvent menacés de devenir aveugles. L'annonce d'une cécité prochaine est un choc émotionnel intense. Elisabeth débute son travail d'accompagnement du deuil auprès de ces petits malades et de leurs parents. C'est en fait dès cette époque, en écoutant les émotions de ces familles, qu'elle découvre les cinq étapes du deuil. Elle observe que les patients passent par différentes phases émotionnelles : le déni, la colère, le marchandage, la dépression puis l'acceptation.

Les étapes du deuil selon EKR

Le déni

Comme une carrosserie à déformation progressive, le déni permet d'amortir le choc de la nouvelle.

« Ce n'est pas vrai ! Le médecin s'est trompé. C'est un cauchemar, je vais me réveiller et rien ne se sera arrivé. » Dans nos sociétés occidentales, le déni est encouragé et renforcé par l'entourage, empêchant souvent l'accès aux stades suivants : « Mais non, Papy, vous en avez encore pour vingt ans ! Vous nous enterrerez tous ! »

Comment Papy pourrait-il se confier sur ses dernières volontés et sur ses ressentis face à la mort quand l’entourage lui clôt systématiquement le bec sur ce sujet ?

 

La colère

Il faut trouver un coupable, un bouc émissaire pour déverser cette colère gigantesque. Le dépassement de cette étape sera facilité par une simple écoute empathique. Tout sentiment exprimé (et surtout entendu) s'apaise naturellement. Oui, tout cela est profondément injuste, mais comme l’est toujours la destinée des humains.

 

Le marchandage

« Docteur, dites-moi qu'il tiendra jusqu'à Noël. » ou « Seigneur, si vous le sauvez, je promets à l'avenir de… »

On voudrait croire que l’on peut dealer avec la mort, mais on freine des quatre fers pour ne pas entrer dans la phase suivante, pourtant indispensable.

 

La dépression

Ce contact avec le vide, le néant, l'absence est un moment terrible et incontournable. On peut le retarder, mais non l'éviter. Il faut s’autoriser à pleurer autant qu’on en a besoin. La tristesse est un processus d’archivage. Plus on s’abandonne à cette vague de chagrin, plus facilement on atteint le stade suivant.

 

L'acceptation

Peu à peu s'installera une paix nostalgique, belle comme un paysage d'automne, faite de douceur et de mélancolie. La joie ressurgit naturellement.

 

Au 5e stade, lorsque le malade a accepté sa situation, une sérénité étrange et communicative s'installe en lui. Curieusement, à partir de ce moment là, ce sont les soignants qui reçoivent du malade, plus qu'ils ne lui donnent. De l’autre côté, lorsqu’on a accepté le départ d’un proche, on peut commencer à se réjouir qu’il ait partagé notre vie. Quelle chance de l’avoir connu !

 

Des voyages initiatiques

 

A la fin de la deuxième guerre mondiale, Elisabeth Kübler-Ross accomplit des missions humanitaires à travers l'Europe ravagée : France, Allemagne, Suède, Pologne et même Russie. Partout elle retrouvera la même désolation, la même souffrance, le même manque de moyens pour guérir et reconstruire. Mais dans certaines zones, tous les habitants sont passés en phase cinq : là où on les attendrait désespérés, haineux et revanchards, Elisabeth les découvre sereins et courageux dans l'adversité, avec parfois même une joie de vivre rayonnante. De quelle façon intense ces gens ont-ils traversé les cinq stades pour avoir, à jamais, un regard aussi fantastiquement calme ?

 

Derrière le miroir

Quelques années plus tard, devenue médecin, Elisabeth suivra son époux, Emmanuel Ross, aux Etats Unis. C'est dans les hôpitaux américains que vont se développer ses séminaires d'accompagnement des mourants. Sollicitée par les infirmières et les étudiants, mais souvent contrée à ses débuts par les médecins, EKR va interviewer des mourants derrière un miroir sans tain, chaque semaine pendant des années. Elle enseigne une approche basée sur l'écoute, la simplicité et l'authenticité. En s'intéressant aux états d'âme, aux émotions donc à la psychologie des mourants dans un contexte scientifique, elle crée la jonction qui manquait entre le physique, le mental et le spirituel.

 

Une femme exceptionnelle

La vie hors du commun de cette travailleuse infatigable aura été bien remplie. Personnage internationalement reconnu, parfois controversé, Docteur Honoris Causa d’un très grand nombre d’universités, Elisabeth Kübler-Ross n’a laissé personne indifférent à son travail. Elle figure parmi une liste dressée par la presse américaine des 100 personnalités ayant le plus marqué le 20ème siècle. Son œuvre est considérable : une vingtaine d’ouvrages traduits dans plus de 30 langues, des articles, des séminaires, des conférences par centaines. Ses travaux sont aujourd’hui enseignés dans toutes les facultés de médecine et de psychologie, les écoles d’infirmières et d’aides-soignantes.

 

Leçons de sagesse

Toute sa vie, EKR considèrera que les personnes en phase 5 ont beaucoup à nous enseigner. En accompagnant les mourants et leurs familles dans leur processus de deuil jusqu'à ce stade d'acceptation, elle apprendra d'eux en retour, au fil des années, les principales composantes de leur sérénité finale. De ce cinquième stade et de la sagesse qui émane des mourants, EKR nous laisse un aperçu à travers son dernier livre : "Les leçons de vie". Pour elle, les humains ont toute leur vie pour apprendre l'authenticité, la communication sans jeu de pouvoir, le lâcher-prise, la gestion de leurs émotions, la patience, le pardon et surtout le bonheur et l'amour…

 

 

Si ce sujet vous a passionné, je vous recommande « La source noire » de Patrice Van Eersel disponible en Livre de Poche.

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Commentaires: 2
  • #1

    Marie Claude KRUTTLI (mercredi, 19 octobre 2022 22:13)

    Bonjour Christel
    Passionnant comme toujours
    Ta faculté a parlé d'un sujet ultra connu "les étapes du deuil" sous un angle nouveau, frais, limpide, inspirant, plein d'amour me laisse admirative.
    Merci pour le partage de tes connaissances et toujours des références pour aller encore plus loin j'ADORE
    merci tellement MERCI

  • #2

    Marie Haouassi (vendredi, 18 novembre 2022 20:16)

    Bonsoir Christel.
    Merci pour ce petit article. J'ai beaucoup lu et relu EKR après le décès de mon fils et en partie grâce à elle, j'ai compris les étapes etj'ai pu avancer plus vite vers l'acceptation et un mieux être . (Mary Posas Memnon)