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#27 - Entre les sorcières et les fées, les mères

Entre les sorcières et les fées, les mères

Du mythe à la réalité

La fête des mères est devenue une incontournable institution, sensée symboliser tout le respect que l'on porte aux mamans. Chaque année à date fixe, compliments sucrés à la bouche, cadeaux enrubannés à la main, des ribambelles d’enfants aux yeux brillants d’amour pour la fée, la déesse de leur petit univers déclament leur adoration à leur génitrice. Attendrissement et bons sentiments sont de rigueur à cette occasion. L’entourage reconnaît enfin, l’espace de cette faste journée, le dévouement humble et quotidien que les mères consacrent les 364 autres jours au bien être de leur famille.

 

Mais derrière le consensus de cette lénifiante journée se cache une bien triste réalité : en ce début de troisième millénaire, les mères sont toujours autant ignorées, méprisées et entravées dans l’accomplissement de leur mission le reste de l’année. Pas assez de crèches, encore trop peu d’aide de leur conjoint, des patrons vite agacés de leurs grossesses et de leurs arrêts pour cause de maladies infantiles, des horaires et des salaires peu compatibles avec les besoins des petits et même agressions des mères qui osent allaiter dans l’espace public !

 

Être mère aujourd’hui relève encore trop souvent d’un parcours du combattant dans l’indifférence et le mépris général.

Vis-à-vis des mères, la société a l’âge mental d’un nourrisson

Les croyances et les attentes collectives vis-à-vis des mères forment un tissu de contradictions piégeantes. Trop maternelle ou pas assez, quoi que fasse une mère, elle sera critiquée. D’un côté, le déni de la difficulté de la tâche est complet, la fonction maternelle est présentée comme peu gratifiante, mais en parallèle, on attend des mères un dévouement et un instinct maternel sans faille. De plus, depuis la découverte de l’importance de l’éducation dans le devenir de l’enfant, les mères ont été lourdement culpabilisées mais jamais réellement aidées.

 

Pourquoi les choses n’évoluent-elles pas ?

 

Et bien il semblerait que lorsqu’on s’intéresse à la condition des mères, on ne sache plus appréhender le problème avec une attitude adulte. On retrouve le regard (et l’âge mental) d’un nourrisson. Le dévouement des Mômans est normal et doit être absolu, na. La croyance reste donc majoritairement répandue : les mères sont seules responsables du devenir de leur enfant. Et chacun est persuadé qu’il y a d’un côté les «bonnes» mères et de l’autre «les mauvaises». Ce mythe de la bonne et de la mauvaise mère, pour naïf qu’il soit, permet à la société de continuer à charger les mères de tous les maux de leurs enfants et de se dédouaner -dédouanant au passage un certain nombre de pères- de ses responsabilités.

 

Des fées et des sorcières

Dans l’inconscient collectif, la vraie bonne mère est celle qui devine intuitivement et sans effort tous les besoins de son enfant. Elle prend soin de lui aussi naturellement qu’elle respire et c’est pour elle une source de plaisir qui n’exige ni discipline ni esprit de sacrifice. Elle est en accord parfait avec son bébé. L’amour maternel requiert beaucoup de savoir faire et des comportements variés mais elle les maitrise tous spontanément. En plus des soins corporels, elle donne à son enfant un environnement de soutien chaleureux et plein d’amour. Sereine et épanouie du lever au coucher du soleil, elle fixe des limites précises et protège efficacement des vrais dangers. Sa dévotion à son enfant et le plaisir de pouponner sont indéfectibles. Ben voyons.

 

La mauvaise mère, en revanche, est celle qui se lasse facilement de ses enfants et est indifférente à leur bien-être. C’est une femme si narcissique et si absorbée par elle-même qu’elle ne peut discerner ce qui convient à sa progéniture. Insensible à ses besoins, elle est incapable d’en comprendre les sentiments. Elle utilise souvent ses enfants pour sa gratification personnelle. Cette femme leur fait du mal sans le savoir. Comme elle est incapable de tirer une leçon des souffrances qu’elle cause, elle ne peut s’améliorer.

 

Du conte enfantin à la réalité objective

Cette tendance à idéaliser où à blâmer les mères est simpliste. La bonne et la mauvaise mère ne sont que les deux facettes d’une même fonction et ne sont que le point de vue de l’enfant.

 

Si quelques rares mères ont effectivement des carences parentales objectives, la plupart des mères aiment leurs enfants, voudraient bien faire mais naviguent dix fois par jour entre l’amour maternel et un sentiment d’impuissance. Rien n’est plus bouleversant pour une mère aimante que d’être incapable de fournir à son enfant des soins pleins de tendresse, quelle qu’en soit la raison. La culpabilité s’éveille chez les mères dès qu’elles n’ont plus ni la patience, ni le désir, ni la force de rester à la hauteur du mythe de la mère parfaite.

 

Pourtant, les jeunes enfants, dans leur dépendance absolue, demandent une énorme abnégation et cet altruisme est difficile à soutenir. Toutes les mères se surprennent par moments à ne pas être authentiques dans leur amour et à ne pas répondre aux besoins légitimes de leurs enfants. Même en les aimant tendrement, à certains moments, les enfants sont pénibles à supporter.

 

D’autre part, élever un enfant fait appel aux impulsions les plus généreuses, mais peut en même temps réveiller les plus basses : les mères peuvent être cruelles, indifférentes, possessives, envieuses, éprouver de la colère devant les exigences incessantes de l’enfant et aussi ressentir de la frustration devant les tâches ennuyeuses et répétitives qu’il lui impose et elles le seront toutes à un moment donné et à des degrés divers.

 

Dans toute fée sommeille une sorcière qui ne demande qu’à s’exprimer.

 

Au lieu de clouer les mères au pilori, aidons-les

La tâche d’élever un enfant est complexe et ne peut pas être confiée à une seule personne isolée, dévalorisée et sans soutien de surcroît. Nous savons que l’assurance d’avoir été aimé par une mère correctement maternante confère pour la vie entière - et à un homme comme à une femme - un solide sentiment de sécurité. Pour qu’elles puissent offrir cette assurance à leurs enfants, les mères ont besoin de respect, d’aide matérielle et de soutien affectif, bref de se sentir épaulées.

 

L’éducation doit s’inscrire dans une démarche collective où le père, la famille élargie et toute la société jouent un rôle et y prennent une part active. Alors, ce sera vraiment la fête des mamans !

 

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Commentaires: 5
  • #1

    Valérie D (mercredi, 31 mai 2023 11:14)

    Merci pour vos mots qui font du bien. Le dernier paragraphe est en mon sens la réponse à tous les maux que vit une maman.

  • #2

    Pascale R (jeudi, 01 juin 2023 10:16)

    Très beau résumé d'un ressenti collectif. La fée ou la sorcière ?...
    Tout est parfois si mêlé dans nos cœurs mais ce sont les autres qui tranchent en restant bien à l'écart des problèmes rencontrés.

  • #3

    Sandrine M (dimanche, 04 juin 2023)

    Tout simplement Merci Christel, vos mots sont si justes que chacun est un cadeau en ce jour…

  • #4

    Mary (mardi, 01 août 2023 10:00)

    Merci madame Petitcollin pour ce thème sociétal tellement banalisé, peu abordé et si important car quelque soit notre opinion, on ne peut qu'être d'accord sur le fait que tous les êtres humains sur cette terre ont bien été mis au monde par une femme et pas n'importe laquelle, "une mère"...

  • #5

    Ophélia (mercredi, 20 septembre 2023 23:59)

    ❤️��❤️��